L’adaptation au changement climatique est le premier objectif de l’Agenda 2030 de l’AIVP. Il s’agit de l’une des principales préoccupations des territoires côtiers et des villes portuaires.
À ce titre, l’AIVP partage des idées qui peuvent inspirer les différents acteurs pour augmenter la résilience des territoires.
Dans cet article, Erik van Eekelen expose les six leviers identifiés par EcoShape pour « construire avec la nature » dans les paysages aquatiques.
Le sommet en ligne sur l’adaptation au climat, qui s’est tenu le 25 janvier dernier, a réuni plusieurs dirigeants mondiaux, portant l’adaptation au changement climatique sur le devant de la scène. Jusqu’alors, l’accord de Paris et nombreuses autres initiatives prises à l’échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique reposaient essentiellement sur des mesures d’atténuation, préconisant la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2050. Mais, à l’aube de la nouvelle décennie, on ne peut plus fermer les yeux sur les effets qui se font déjà ressentir, et qui continueront de se faire ressentir même si nous atteignons les objectifs les plus ambitieux de l’accord de Paris. L’élévation du niveau de la mer, les précipitations accrues, la sécheresse et la canicule menaceront le status quo, affectant nos villes, nos paysages et nos ports. Dans le même temps, on assiste au déclin global de la biodiversité et les écosystèmes dont on dépend subissent une tension croissante. La plupart des dirigeants mondiaux s’accordent sur le fait qu’il faut agir dès maintenant : António Guterres (secrétaire général de l’ONU), Ban Ki-moon (co-président de la Commission globale pour l’adaptation), Boris Johnson, Emmanuel Macron, Angela Merkel et John Kerry (envoyé spécial du président américain pour le climat) l’expriment dans leurs déclarations.
Mais quel genre d’action faut-il entreprendre ? Les participants au sommet sur l’adaptation au climat et à la COP25 ont jugé que les Solutions fondées sur la Nature (SfN) constituaient un apport inestimable. Mais sommes-nous capables de les mettre en œuvre à une échelle suffisante ? Et quelles solutions sont envisageables dans le contexte des villes et des ports ? L’approche Building with Nature (BwN) [construire avec la nature] développée par EcoShape se veut être une source d’inspiration et se propose de répondre à ces questions.
Building with Nature est une approche conceptuelle qui vise à créer, mettre en œuvre et déployer à grande échelle des Solutions fondées sur la Nature pour l’aménagement d’infrastructures hydrauliques. La réorientation du modèle de développement en faveur de cette nouvelle approche nécessite de redéfinir ce qui doit être fait, c’est-à-dire les étapes à suivre, et comment s’y prendre, ce qui implique de changer radicalement notre façon de penser, d’agir et d’interagir. La méthodologie Building with Nature préconise l’utilisation systématique des Solutions fondées sur la Nature en donnant des orientations sur leur conception et leur mise en œuvre. Construite sur des expériences pratiques en matière de conception et de développement de projets (pilotes), et de mise à exécution de projets de développement des connaissances, la méthodologie, dans une démarche pratique, propose des idées et des outils concrets en se fondant sur une approche philosophique plus large.
La réussite de la mise en œuvre de Solutions fondées sur la Nature n’est possible que si les porteurs du projet prennent en considération le système naturel et social environnant et exploitent les éléments naturels de manière proactive. L’implication des parties prenantes dès les premières étapes du processus est essentielle pour un rendement optimal du projet. Toutes les Solutions fondées sur la Nature ont quatre caractéristiques essentielles en commun : elles sont par nature dynamiques, multifonctionnelles, adaptées à chaque contexte et innovantes. Pour construire avec la nature, ces aspects doivent être scrupuleusement pris en compte tout au long du processus de développement. EcoShape a défini six leviers pour y parvenir :
Les villes et les ports sont des paysages façonnés par l’activité humaine. L’action de l’homme sur l’environnement existe depuis les premières traversées maritimes et les premiers échanges commerciaux au bénéfice des différentes communautés. Les structures monofonctionnelles comme les brise-lames, les quais, les routes et les infrastructures de drainage des eaux pluviales ont altéré les espaces de transition entre la terre et la mer, créant une frontière entre les environnements bâti et naturel. Le changement climatique rend urgent le réaménagement de ces interfaces afin d’accroître leur résilience et leur adaptabilité. Building with Nature donne la possibilité de maximiser les retombées positives pour la société et pour l’environnement naturel immédiat. Cette démarche permettra de rétablir la connectivité écologique, de soutenir les fonctions économiques des villes et des ports et d’améliorer la sécurité face aux risques d’inondation. En raison de la densité des zones d’habitation, de la rareté du foncier et du développement de l’activité économique, les différents avantages que présentent les Solutions fondées sur la Nature sont de mieux en mieux compris et deviennent une nécessité. L’intérêt de cette approche appliquée aux villes et aux ports repose surtout sur sa capacité à permettre : le maintien d’un équilibre entre l’eau et les sédiments au niveau de l’environnement bâti, des voies navigables et des bassins portuaires ; la création d’espaces naturels de transition entre la terre et la mer ; la consolidation des écosystèmes environnants et leur ouverture aux villes portuaires.
Un bon exemple est celui de l’aménagement du waterfront de Marconi aux Pays-Bas pour lequel plusieurs principes BwN ont été appliqués : 16 ha de marais salants ont été créés et 13 ha de marais salants à vocation récréative ont été aménagés avec des sentiers et des postes d’observation des oiseaux. La plage urbaine a été élargie et reliée à un boulevard multifonctionnel. Ce projet a contribué à diminuer les risques d’inondation et à protéger les habitats des marais salants, en ajoutant une valeur récréative. Il a aussi permis à la ville de Delfzijl de reprendre contact avec la mer. L’intégration de divers éléments naturels a remporté l’approbation de nombreuses parties prenantes. Globalement, cet aménagement a su exploiter pleinement le contexte local et redonner à Delfzijl une identité maritime mise à mal au cours du siècle dernier par la généralisation de l’industrialisation et la multiplication des travaux d’endiguement.
Le cas du waterfront de Marconi démontre le potentiel des SfN dans les territoires côtiers. On peut trouver d’autres exemples de projets innovants en matière d’adaptation au changement climatique ayant appliqué ces principes dans un livre intitulé Building with Nature: Creating, implementing and upscaling Nature-based Solutions, publié par EcoShape et nai010. Qu’il soit développé autour d’un cours d’eau, d’un estuaire, d’une lagune ou sur le waterfront d’une ville portuaire, chaque projet est riche d’enseignements et les acteurs locaux du monde entier peuvent s’en inspirer.
Le livre est disponible ici