Branche du groupe Bouygues spécialisée dans la construction et la maintenance d’infrastructures de transport, Colas est engagé au quotidien pour relever les défis de la mobilité durable, du développement urbain et de la préservation de l’environnement. Avec 58 000 salariés sur tous les continents, Colas développe sans cesse de nouvelles innovations pour rendre les routes moins polluantes et plus sûres. La gestion des externalités environnementales et les technologies « smart » sont des axes essentiels de cette politique d’innovation, ce qui est en cohérence avec l’Agenda 2030 de l’AiVP. Son internationalisation est aussi l’un des facteurs qui lient Colas à l’AiVP : l’entreprise réalise plus de 51% de son chiffre d’affaires hors de France, son pays d’origine. Colas intervient dans de nombreuses villes portuaires de notre réseau, notamment sur la réduction de la congestion due aux activités portuaires, facteur d’externalités négatives pour la population urbaine. L’Objectif n°3 sur la « Mobilité durable » de notre Agenda 2030 AIVP est pleinement en cohérence avec les projets d’innovation de Colas. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à interviewer MM. Julien Denegre, Fabrice Luriot et Arnauld de Sainte Marie.

Colas est adhérent de l’AiVP depuis 2003.

AIVP – Colas est engagé sur la mobilité intelligente avec une filiale dédiée, « Mobility by Colas ». L’AiVP défend également l’usage du digital afin d’améliorer la gestion des flux dans les villes portuaires. Vous avez lancé dernièrement plusieurs offres sur la mobilité « smart », destinées tant aux collectivités territoriales qu’aux entreprises.
Pourriez-vous nous expliquer comment il est possible d’optimiser les flux de personnes et de marchandises grâce à des applications et des bases de données ? Les citoyens auront-ils aussi accès à ces solutions ou est-ce un service réservé aux gouvernements et aux entreprises ?

Fabrice Luriot, Mobility by Colas
Fabrice Luriot, Directeur de “Mobility by Colas” © Joachim Bertrand / groupe Colas

Fabrice Luriot, Directeur de “Mobility by Colas”  – Colas, leader dans la construction et l’entretien des infrastructures de transport, souhaite répondre aux nouvelles problématiques de mobilité. C’est la mission de son entité Mobility by Colas qui se positionne comme partenaire des collectivités, des citoyens , des usagers.

La mobilité recouvre le moyen de déplacement – l’infrastructure et le mode de transport utilisé – et sa performance pour l’usager en termes de confort, d’efficience, de fluidité et de sécurité. Les collectivités sont les mieux placées pour optimiser ces flux de personnes et de marchandises à l’échelle d’un quartier. Mobility by Colas leur donne les moyens de créer l’interaction entre les infrastructures, l’usager et l’écosystème global de la mobilité à travers son offre Moov’hub.
Moov’hub permet d’observer les flux, optimiser l’espace urbain et s’adresse ainsi aux citoyens, comme aux entreprises et aux collectivités :
– Une application numérique destinée aux usagers qui donne accès à l’ensemble des services publics et privés de mobilité et de stationnement à l’échelle du quartier ou du territoire concerné grâce à des critères personnalisés (modes, temps, impact CO2,) et incitatifs, et avec une solution de paiement intégré unique via une solution de Marketplace
– Une plateforme de pilotage pour le territoire donnant accès à l’ensemble des données collectées sur site afin d’appréhender l’efficacité des outils déployés et de réguler la gestion de toutes les offres de mobilité disponibles sur le territoire.

llustration du service Moov'Hub
Illustration du service Moov’Hub © groupe Colas

– Une intégration du Forfait Mobilité Durable (FMD) proposé à par les entreprises dans notre service MaaS, avec notamment :
o La réflexion commune autour du PDIE,
o Son intégration dans le parcours usager,
o Sa contractualisation facilitée avec les entreprises.
Au travers de cette approche, nous répondons à l’ambition portée par la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) concernant la mise en place du concept de MaaS (Mobility as a Service), repensant l’interaction collectivité-usager-entreprises et le modèle économique et organisationnel de la mobilité.

AIVP – Les flux liés aux chantiers de travaux publics dans les villes portuaires et ceux liés aux activités industrielles et portuaires ont un impact certain sur la mobilité. Les flux de camions qui congestionnent l’ensemble de la ville en raison d’accès difficiles à la zone portuaire sont monnaie courante. Ce problème de congestion génère des externalités négatives importantes pour la population et nuit à leur qualité de vie.
De quelles solutions Colas dispose-t-il, ou souhaite développer dans le futur, pour réduire les externalités négatives de cette mobilité liée aux chantiers et/ou aux activités industrielles et portuaires ?

Fabrice Luriot, Directeur de “Mobility by Colas” – Les villes ne cessent de se développer et pour répondre aux besoins grandissants des métropoles, de nombreux chantiers sont lancés, souvent simultanément, avec leur lot de nuisances pour les riverains et les acteurs locaux. Le service Qievo a été développé par Mobility by Colas pour répondre à la problématique posée par ces grands chantiers, une offre personnalisable adaptée aux besoins spécifiques d’un territoire donné, afin de réduire les externalités négatives de la mobilité liée aux chantiers.

Qievo - Mobility by Colas
Schéma de Qievo © groupe Colas

Pour ce faire, Mobility by Colas travaille avec les technologies et les partenaires les plus adaptés aux besoins du territoire pour fluidifier la mobilité, tout en prenant en compte l’impact environnemental et sociétal des actions mises en place à travers le suivi d’indicateurs précis. Le service Qievo repose sur une cellule logistique composée de gestionnaires centraux et d’hommes trafic sur sites, des services pour guider au mieux les usagers, et de nombreux outils digitaux :
– Un outil de pilotage et reporting à destination des collectivités ou aménageurs permettant le suivi d’indicateurs de performance logistique et environnementale,
– Une plateforme numérique centralisée de planification pour organiser et réguler les livraisons des différents chantiers,
– Une application mobile de guidage pour le contrôle et la communication avec le livreur,
– Une infrastructure adaptée et dynamique mixant itinéraires dédiés signalés et zones de régulation
La palette d’outils mis à disposition via l’outil intégré Qievo, permet de répondre aux besoins de tous les acteurs des chantiers, qu’il s’agisse du sous-traitant, du livreur ou bien du responsable logistique.

Schéma n°2 de Qievo /
Schéma n°2 de Qievo © groupe Colas

Au travers d’une approche personnalisée, Qievo prend le rôle de « chef d’orchestre » en faveur d’une meilleure mobilité autour des activités industrielles et de leur acceptabilité par les riverains. Ce rôle est rendu possible grâce au numérique, qui permet de décloisonner des fonctions métiers habituellement séparées, en l’occurrence : l’infrastructure, la signalisation dynamique et la logistique.

AIVP – Colas a mené ces dernières années de nombreux chantiers sur la mobilité dans des ports. Par exemple, le chantier d’extension du Port de Calais, ou plus modestement celui de l’interface Ville Port dans le port de pêche de Penmarch (Bretagne). Nous pouvons aussi penser aux travaux ambitieux pour améliorer le trafic portuaire à Marseille.
Quelle est la spécificité des chantiers de Colas dans les ports et sur les interfaces Ville-Port ?

Julien Denegre, Deputy Head of International business development, Colas – Les grandes villes portuaires souffrent d’une congestion urbaine chronique qui impacte les activités portuaires et l’activité économique dans son ensemble. La relation entre le port et la ville est une relation dichotomique basée sur les échanges de flux physiques et économiques entre les deux entités. L’existence d’un port, qui est parfois l’origine même de la concentration urbaine, crée par définition une distorsion urbanistique dans l’évolution du conglomérat urbain.

Julien Denegre, chef-adjoint international business development, Colas
Julien Denegre, Deputy Head of International business development, Colas © groupe Colas

De notre point de vue, la décongestion des villes implique un ensemble d’initiatives en termes d’infrastructures mais également une organisation multipolaire permettant de déconcentrer l’activité urbaine et la redéployer autours de pôle multiples, principaux et secondaires. Alternative à la délocalisation totale ou partielle des activités portuaires, le redéploiement des activités consisterait à externaliser certains éléments de la chaine de valeur portuaire à l’extérieur de la ville ou en son sein. Ceci de manière à réguler le goulot d’étranglement portuaire ou à harmoniser les rapports entre la ville et le port.
Dans cet esprit, Colas participe au développement du transport intermodal par la création de nouvelles infrastructures routières. Il s’agit de la solution la plus évidente permettant de résoudre la problématique de l’intégration du port à la ville. Au-delà de la construction des infrastructures routières proprement dites, l’approche du groupe comprend aussi la mise en place des investissements (avec le bailleur de fond UKEF par exemple pour les voiries de Libreville au Gabon) mais également la mise en place de solutions logistiques intermodales telles que des combinaisons rail-route avec notre filiale Colas Rail.
De même, la décongestion urbaine doit être le fruit d’un équilibre entre densité de trafic et densité du maillage des voies de circulation (routière ou autre). Il est nécessaire d’optimiser le nombre de déplacement et la longueur/durée de ceux-ci de manière à rationaliser l’utilisation de l’espace disponible. Le défi majeur du redéploiement des activités portuaires dans la ville ou à sa périphérie réside dans le choix de la localisation des sites. Colas est impliqué dans le redéploiement de certains activités portuaires telles que des ports de secs ou des zones de stockage pour des Clients tels que Sea Invest ou CMA CGM à l’extérieur du Port d’Abidjan en Côte d’Ivoire.

AIVP – Une innovation pour laquelle Colas a été distingué est la « route solaire », ou « Wattway ». Votre entreprise a implanté des tronçons-test de cette route en Normandie, mais aussi dans l’Océan Indien, où la ressource solaire est plus présente. L’AiVP est particulièrement investie dans cette zone, par ailleurs. Dans la ville portuaire de Le Port, à La Réunion, une implantation test a été mise en place. Nous avons aussi appris que ce devait être le cas à Port-Mathurin, à Maurice. Au-delà des expérimentations, pourriez-vous nous expliquer comment doit fonctionner cette technologie et nous dire quels en sont les défis à relever ?

Arnauld de Sainte Marie, Directeur business development, “Wattway by Colas” – La technologie Wattway consiste à encapsuler des cellules photovoltaïques dans un substrat multicouche qui donne de la robustesse à la dalle et permet aux cellules photovoltaïques d’être circulées. Nous sommes sur un système de récupération de l’énergie solaire pour la transformer en électricité, applicable sur la chaussée.

Arnauld de Sainte Marie, Directeur business development, “Wattway by Colas”
Arnauld de Sainte Marie, Directeur business development, “Wattway by Colas” © groupe Colas

S’agissant d’une innovation de rupture, il était indispensable de pouvoir tester la technologie dans des conditions réelles. Les tests en laboratoires bien que primordiaux, ont leurs limites et nous avons estimé qu’il nous fallait éprouver la technologie ainsi que la pertinence des usages qui seraient faits de cette innovation, sur différents sites pilotes en France et dans le monde. L’objectif était de voir comment le dispositif se comporterait sous des climats différents et avec des conditions de circulation diverses et variées. C’est la raison pour laquelle nous avons effectivement déployé des sites pilotes en France métropolitaine, mais aussi à la Réunion ou encore aux Etats-Unis.
Grâce à une quarantaine de sites pilotes, nous avons pu faire progresser la technologie et développer une offre commerciale destinée à alimenter tout type d’équipements électriques avec de l’énergie renouvelable.

Route solaire "Wattway" à Le Port (La Réunion)
Exemple d’implantation de la route solaire “Wattway” dans la ville de Le Port (La Réunion, France) © groupe Colas

Dans un premier temps, nous avons choisi de nous concentrer sur des services de mobilité douce ou de sécurité en bord de voies piétonnes et cyclables, mais tout autre type d’usage peut être envisagé. Nous pourrions comparer Wattway Pack à une prise électrique autonome puisqu’il est équipé des quelques dalles Wattway, d’une batterie et d’un équipement électrique, comme des bornes de recharge pour vélos ou trottinettes électriques par exemple. Le système de stockage par batterie permet d’alimenter l’équipement de jour comme de nuit, d’où l’analogie avec une prise électrique autonome. La solution est particulièrement adaptée sur des zones blanches énergétiques ou des lieux où le raccordement au réseau serait trop contraignant techniquement ou trop onéreux.
Actuellement, nous poursuivons nos efforts pour développer une solution d’autoproduction sur des surfaces plus importantes (une centaine de mètres carrés). Nous sommes convaincus que nous pouvons contribuer, même modestement, à éviter l’artificialisation des sols en exploitant des surfaces existantes et en leur donnant une seconde fonction. Le site pilote de la Réunion par exemple, positionné sur un parking, il produit 120KWh/m²/an depuis sa mise en service, ce qui en fait l’une de nos expérimentations les plus productives, et permet la recharge de véhicules électriques. Valoriser le foncier des espaces de circulation des ports pourrait également permettre de nombreux usages à l’heure où le solaire prend une place importante dans le monde maritime. De même, nous sommes convaincus que des territoires comme les îles, où l’accès à l’énergie a toujours été un sujet épineux, pourraient voir un grand intérêt à déployer des routes solaires qui viendraient compléter les énergies renouvelables déjà en place. Si nous voulons répondre aux défis de la transition énergétique et atteindre les engagements européens de neutralité carbone à 2050, il nous semble nécessaire d’explorer toutes les surfaces.