L’année 2020 a été une année de nombreux changements, également pour la mobilité durable. En discutant avec nos membres, nous avons identifié plusieurs mots clés pour l’objectif 3 de l’Agenda 2030 de l’AIVP : technologie intelligente, multimodalité, espaces publics, vélo, co-construction, engagement citoyen, mutualisation, véhicules autonomes. Dans cet article, nous avons résumé les interviews et les articles que nous avons publiés sur le sujet, mais n’oubliez pas de lire les publications originales.
La mobilité urbaine constitue un défi majeur pour les villes portuaires, mais elle est aussi un domaine où sont intervenus de grands changements au cours des dix dernières années. La domination des voitures équipées d’un moteur à combustion pour les déplacements quotidiens a été remise en cause en faveur de l’implémentation massive de solutions multimodales, de services de mobilité partagée, d’un meilleur réseau de transport public, des voitures, vélos et trottinettes électriques, des pistes cyclables, etc. Au sein des villes portuaires, cette évolution est aussi visible du point de vue logistique. Bien que les changements se soient produits à un rythme plus lent, les projets innovants en matière de logistique du dernier kilomètre destinés à réduire l’empreinte carbone de ces opérations se multiplient chaque année. À plus grande échelle, apparaissent également d’ambitieux plans visant à décarboniser le transport, misant là encore sur la multimodalité pour réduire la part de la route pour le transport des marchandises depuis et vers les ports, et encourager leur acheminement par voies fluviale et ferroviaire. Du contexte local aux réseaux logistiques déployés à l’échelle continentale ou mondiale, les villes portuaires sont au cœur de ces changements.
En 2020, la pandémie a accéléré les mutations dans ce domaine. Alors que l’e-commerce se généralise, les gens se familiarisent de plus en plus avec le terme « expédition », prennent l’habitude de suivre l’acheminement de leurs colis et comprennent mieux le rôle que jouent les ports dans leur vie quotidienne. Dans le même temps, la limitation des interactions physiques et les incitations gouvernementales à éviter les contacts directs avec les autres ont encouragé nombre d’entre nous à utiliser le vélo pour nos déplacements quotidiens, soulignant l’importance de pouvoir disposer de voies de circulation dédiées et de dispositifs intelligents qui facilitent le déploiement d’e-services de vélos partagés. Les solutions Ville Port « smart » offrent en effet de multiples possibilités de mobilité durable, comme nous allons le voir dans ce dossier. La mobilité durable est l’objectif 3 de l’agenda AIVP 2030 et le troisième thème traité au cours de l’automne 2020. Nos interviews, articles et webinaires ont mis en avant de nombreux projets intéressants pour les décideurs des villes portuaires, illustrant l’innovation dont font preuve nos membres. Ces productions ont prouvé que cet objectif comptait parmi les plus faciles à réaliser d’ici 2030. Imaginez la technologie au service de la mobilité dont nous disposerons alors !
La mobilité portuaire multi-scalaire en Italie
Dans le premier article du dossier, Systematica, spécialiste de la planification des transports, nous explique qu’une articulation doit être mise en place entre les différentes échelles coexistant au sein des villes portuaires. Comme l’indiquent les auteurs de l’article, le mot clé est « intégration ». Le développement des systèmes de transport en zone urbaine doit être intégré aux activités portuaires locales dont les besoins en infrastructures sont spécifiques et qui peuvent générer un fort trafic affectant la qualité de vie des citoyens. Les deux projets présentés, ceux de Venise et Gênes en Italie, plaident en faveur de cette intégration, depuis les réseaux de transport continentaux, corridors TEN-T, jusqu’aux activités présentes sur le waterfront.
Mobility Plans for Genoa Blueprint Waterfront Project. ©Systematica
La technologie intelligente pour améliorer la mobilité
Colas, leader dans la construction et la maintenance d’infrastructures de transport, souhaite répondre aux nouvelles problématiques de mobilité. D’où sa décision d’investir dans les technologies « smart », telles que l’application « Moov’Hub », un service de gestion des flux en temps réel proposé aux autorités publiques, aux entreprises et aux citoyens. L’accès transparent aux données, comme la durée des trajets, la congestion routière ou l’impact CO2, est essentiel. Les villes portuaires, en particulier lorsque des travaux sont en cours, sont rapidement encombrées. Pour éviter cela, Colas a développé « Qievo », un service destiné à organiser les livraisons des matériaux, guider les chauffeurs routiers vers des itinéraires dédiés et les informer en temps réel. Le mot clé est « réduction des externalités négatives ». L’interface Ville Port, en altérant la structure urbaine, pose des défis logistiques permanents. L’intermodalité, à travers la création de combinaisons rail-route comme à Libreville (Gabon) par exemple, apparaît ici comme une solution évidente pour résoudre la problématique. La mobilité ne fait pas que produire des externalités négatives, elle constitue aussi un élément de solution et peut même créer de nouvelles opportunités. Dans ce but, Colas développe des « routes photovoltaïques », ou « Wattway » : des panneaux solaires installés sur la route qui permettent de produire de l’électricité tout en optimisant l’espace disponible ! Des expériences sont en cours à La Réunion (France) et aux États-Unis.
Des espaces publics dédiés aux piétons et aux cyclistes en Argentine
L’importance des espaces publics n’a jamais été aussi évidente. Au cours de cette année où les grandes manifestations et l’accès aux cafés, restaurants ou centres commerciaux étaient interdits ou strictement restreints, les espaces publics comme les parcs ou les jardins étaient les seuls endroits où les gens pouvaient prendre l’air et se rencontrer en toute sécurité. Les espaces publics ont également un rôle jouer dans la mobilité urbaine, notamment pour les piétons et les cyclistes, comme on l’a vu dans l’entretien que nous avons réalisé avec la Corporación Puerto Madero : à Buenos Aires, le projet « Paseo del Bajo » prévoit un aménagement de 10 hectares de jardins publics, parcs et promenades qui devrait permettre aux citoyens de circuler à pied ou en vélo en toute sécurité.
Numérisation et co-construction pour une mobilité durable à Halifax
À l’instar de nombreux ports du monde entier, le Port Halifax est confronté à la difficulté de devoir exploiter au mieux son potentiel de croissance tout en minimisant les externalités négatives comme la congestion routière. Depuis 2018, des solutions ferroviaires et des outils numériques de partage des informations en temps réel avec les clients, l’ensemble de la communauté portuaire et le grand public, ont été mis en place pour relever le défi et réduire la circulation des camions dans le centre-ville d’Halifax. Pour Halifax, la numérisation du port est une stratégie clé, mais elle ne se limite pas, selon lui, aux technologies intelligentes : la transparence et une co-construction impliquant les partenaires, les parties prenantes et l’ensemble de la collectivité sont cruciales si l’on veut transformer l’ensemble de l’écosystème portuaire.
Une mobilité propre, intelligente et intégrée dans les villes portuaires européennes : le projet Civitas Portis
La mobilité durable constitue une priorité pour la Commission européenne. Ainsi, plusieurs projets financés par l’Union européenne s’intéressent à la question afin d’encourager la coopération et le partage de bonnes pratiques entre les villes. C’est le cas de la série de projets Civitas, dont l’un est axé sur les défis spécifiques de la mobilité Ville Port : le Civitas Portis. Ainsi que nous l’explique Dirk Engels dans son article, l’approche défendue par ce projet, qui repose sur un partage de données intelligent pour une gouvernance et une planification améliorées, a produit des résultats positifs incontestables dans les cinq cas : Aberdeen, Anvers, Constanta, Klaipeda et Trieste. Par ailleurs, l’AIVP a organisé un webinaire pour discuter en détail de deux cas, ceux d’Anvers et Trieste, avec des experts de chaque Ville et chaque Port. Les débats ont clairement montré que l’utilisation correcte de données intelligentes pouvait faciliter la coordination du trafic, permettre de mieux planifier la mobilité et inciter les citoyens à faire de meilleurs choix, mais ils ont aussi montré qu’il était nécessaire d’induire des changements comportementaux chez les utilisateurs et les entreprises.
Coopérer avec la Ville et les citoyens à Malaga
Dans les villes portuaires comptant une activité croisière ou ferry, les défis de la mobilité impliquent aussi de savoir gérer les flux de passagers. Le cas de Malaga en Espagne en est un exemple. Il ressort de l’interview que nous a accordée le Port de Malaga que la multimodalité est essentielle. Une solution simple, s’il en est une, consiste à ce que les terminaux de croisière soient suffisamment proches des centres-villes pour que les touristes puissent rejoindre à pied les sites historiques. Qui plus est, les usagers des terminaux ont aujourd’hui le choix entre de nombreuses possibilités pour se rendre en ville : ils peuvent utiliser les moyens de transport en commun classiques ou les tout nouveaux bus autonomes. Cependant, comme l’a clairement montré l’interview, toute nouvelle solution doit aller de pair avec des actions concertées qui impliquent les habitants et les visiteurs.
Automost Project. ©Malaga Port
Recommandation de lecture : « la ville du ¼ d’heure » de Carlos Moreno
Le dossier aborde également brièvement le dernier ouvrage de Carlos Moreno, expert AIVP : Droit de cité, de la “ville-monde” à la “ville du quart d’heure. Ses idées sur la mobilité durable ont attiré l’attention des principaux relayeurs d’informations comme le « Financial Times », le « Guardian » et même le Forum économique mondial.
Ce texte énumère de nombreux exemples susceptibles d’inspirer les villes portuaires du monde entier. Bien que chaque ville portuaire soit différente, toutes connaissent les mêmes entraves à la mobilité. La compréhension des principes qui sous-tendent les bonnes pratiques facilitera leur reproduction dans d’autres régions.Nous vous souhaitons une lecture fructueuse !